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24/04/2017

[Anti-brouillard] Dépenses non financées, économies introuvables : ce que disent les chiffres du programme de Marine Le Pen

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[Anti-brouillard] Dépenses non financées, économies introuvables : ce que disent les chiffres du programme de Marine Le Pen
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100 milliards d'euros de dépenses nouvelles, 18 milliards de baisses de recettes pour l'État, 60 milliards d'euros d'économies annoncés mais non documentés' Le programme de Marine Le Pen oscille entre incohérences, contradictions et promesses intenables. Basé sur le retour de la croissance et la baisse des déficits, le projet frontiste ne se donne pas les moyens de ses objectifs. Sans même envisager l'impact d'une sortie de la France de la zone euro - désastreuse pour notre économie au demeurant -  le programme de Marine Le Pen comprend de nombreuses failles, que nous analysons ici.

Un plan d’économies trop imprécis

 60 milliards d’euros : c’est le montant d’économies prévu par Marine Le Pen dans son projet présidentiel. Les moyens pour y parvenir ? Ils sont, à la lecture de son programme, trop rares ou - lorsqu’ils existent - trop imprécis. Sur les 60 milliards prévus par la candidate, seul 1,6 milliard est suffisamment détaillé pour être considéré comme une réelle “économie”. Elle concerne les dépenses de médicament, de l’ordre de 1 milliard d’euros par an à horizon 2022, et la suppression de l’Aide médicale d’État (AME), pour un montant estimé à 0,6 milliard d’euros par an.

Au-delà de ces deux gisements d’économies, le programme repose sur des objectifs flous, trop imprécis pour faire l’objet d’un chiffrage robuste : une “meilleure gestion de la sécurité sociale”- oui, mais comment ? - des économies “sur la délinquance” - lesquelles ?, la lutte contre la “fraude sociale et fiscale” - la France a d’ores et déjà une politique offensive sur ce sujet, comment la renforcer ? Autant de mesures incantatoires que l’on ne peut, à ce stade, considérer comme de véritables économies.

Des dépenses nouvelles de plus de 100 Md€ par an

102 milliards d’euros par an : ce chiffre, bien réel cette fois-ci, est le montant des dépenses nouvelles pérennes comprises dans le programme de Marine Le Pen. Pour le budget de l’État : l’augmentation des dépenses de défense, les mesures en faveur du pouvoir d’achat, les dépenses relatives à la sécurité intérieure ; pour la sécurité sociale : la diminution de l’âge de départ à la retraite (27 Md€), l’augmentation de certaines prestations sociales ou encore la création d’une cinquième branche dédiée à la dépendance. Les dépenses publiques du programme de Marine le Pen augmenteraient, au-delà de la trajectoire actuelle d’augmentation de la dépense, de près de 102 milliards d’euros par an à horizon 2022. À ces 102 milliards doivent s’ajouter les dépenses "exceptionnelles" de nationalisation d’EDF (pour 3,9 Md€), et des autoroutes (entre 15 à 20 Md€) qui devront être réalisées pendant le quinquennat.

Cette forte augmentation des dépenses publiques, couplée à la baisse des prélèvements obligatoire aura pour conséquence une dérive accélérée du poids de la dette publique… soit tout l’inverse du scénario anticipé par Marine Le Pen, qui mise sur une réduction de la dette à 89% du PIB en 2022, contre 97% aujourd’hui.

Une diminution des recettes financée par des mesures “protectionnistes”

18 milliards d’euros : ce sont les baisses de recettes que nous avons pu identifier dans le programme de Marine Le Pen. Pour les ménages : une baisse d’impôt sur le revenu et une baisse des droits de mutations. Pour les entreprises : une baisse de l’impôt sur les sociétés et la défiscalisation des heures supplémentaires.

Ces diminutions de recettes seraient compensées par une hausse des droits d’importations, allant jusqu’à 20 milliards d’euros. Ce montant ne tient pas compte de la baisse des importations qui ne manquerait pas d’en résulter, il ne comprend pas davantage la sortie de la zone euro et de l’Union européenne, qui conduirait probablement, elle aussi, à diminuer fortement les importations. Les dépenses pour le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, que la candidate souhaite financer par ces taxes sur les importations, qui pénaliserait ainsi l’ensemble des ménages français. Les recettes calculées par Marine Le Pen se basent, en outre, sur un niveau d’importations constant. Or, tout son programme est justement basé sur une diminution de ces importations, qui réduiront d’autant les recettes fiscales. Une fois encore, le financement prévu pour la mesure est en contradiction avec les objectifs poursuivis par celle-ci.

 

Pour aller plus loin :

Présidentielle 2017 : le grand décryptage - Marine Le Pen

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